martes, 24 de marzo de 2020

LAS FÓRMULAS DEL SONETO (II)


LAS FÓRMULAS DEL SONETO EN FRANCIA
(SIGLO XVI)


En el trabajo anterior hemos visto las fórmulas del soneto en Italia, desde su nacimiento hasta su esplendor máximo con Petrarca.
Ahora veremos las formas estructurales que se dieron en Francia durante el Siglo XVI.
Pero antes de continuar diremos que en Francia sólo hay dos patrones regulares del soneto:

ABBA–ABBA–CCD–EED   o «italiano» 
ABBA–ABBA–CCD–EDE   o « francés» 


Entre los franceses se conceptúan sonetos irregulares aquellos en los que se introduce cualquier modificación en estos formatos: cuando se escriben los dos cuartetos con rimas diferentes; cuando se cruzan las rimas de los cuartetos; cuando los cuartetos permanecen construidos sobre dos rimas, pero dispuestos de manera diferente uno de otro; cuando uno de los cuartetos adopta rimas cruzadas y el otro rimas abrazadas; cuando el soneto deja de ser isométrico; cuando se altera la disposición de los cuartetos y los tercetos (los tercetos primero o un terceto seguido de un cuarteto), etc.
No obstante ello, cabe señalar que muchos sonetos irregulares franceses escritos en este siglo que tratamos son considerados hoy en día como grandes obras maestras de la literatura universal.


MELLIN DE SAINT–GELAIS
(C. 1491–1558)

ABBAABBACDCDCD
ABBAABBACDECDE  
ABBAABBACDCDDC 
ABBAABBACDDCEE
ABBAABBACDCEDE
ABABBCCDDEEFEF 



SONNET EN LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC DE BRETAIGNE
[1544]

Un grand devin tost apres la naissance
Du nouveau duc à l'oracle s'enquit
Pour quoy le jour qu'entre nous il nasquit
De neige il cheult en tous lieux abundance.
Pour vous donner —dict le dieu— cognoissance
Qu'onques nul jour estre tant ne requit
Marqué de blanc pour debvoir et acquit
D'eterniser si grande esjouyssance.
Qui te feit donc, ô Phoebus (dict le prestre),
Perdre en ce mois ta lueur coustumiere,
Puis te coucher alors qu'il vouloit naistre?
Besoing n'aviez de ma clarté premiere
(Dict Apollo) venant à comparoistre
Nouveau Soleil et plus grande lumiere.


AU SEIGNEUR DES ESSARS N. DE HERBERAY
[1544]

Au grand desir, à l'instante requeste
De tant d'amys dont tu peux disposer,
Vouldrois tu bien (ô amy) t'opposer
Par un reffus de chose tres honeste?
Chacun te prie et je t'en admoneste,
Que l'Amadis qu'il t'a pleu exposer
Vueilles permettre au monde et exposer,
Car par tes faitz gloire et honneur acqueste.
Estimes tu que Cesar ou Camille
Doibvent le cours de leur claire memoire
Au marbre, ou fer, à cyseau ou enclume?
Toute statue ou medaille est fragile
Au fil des ans, mais la durable gloire
Vient de main docte et bien disante plume.


ASSEURÉ SUIS D'ESTRE PRYS ET LYÉ
[1544]

Asseuré suis d'estre prys et lyé,
Mais asseurer ne puis l'heure et saison
Que je changeay ma franchise à prison,
Dont mon orgueil fut tant humilié.
Si long temps fut couvert et pallié
L'amer du doulx et l'erreur de raison,
Que je cuidois entre loz et poison
Estre immortel et des dieux allié.
Euvre ne fut d'un jour ne d'une annee
Ce changement, mais de main longue et forte
En fut la reth tissue et ordonnee,
Dont aux effaictz du Ciel je la rapporte
Et aux beaulx yeulx qui de fatale sorte
Tournent mes ans, ma vie et destinee.


Conocido también como Melin de Saint–Gelays o de Sainct–Gelais, a este poeta se lo considera el creador de la fórmula ABBAABBACDDCEE.


ADVERTISSEMENT SUR LES JUGEMENS D’ASTROLOGIE
A une studieuse Damoiselle
[1546]

Ne craignez point, plume bien fortunee
Qui vers le ciel vous allez eslevant,
Faire ruyne, Icarus ensuivant,
Qui trop haulsa l'oesle mal empennee.
Du beau soleil où estes destinee
Vous n'irez point la chaleur esprouvant,
Mais deviendrez, soubs ses raiz escrivant,
De sa clarté belle et enluminee.
Et si vollant parmy le grand espace
De ses vertuz quelque feu concevez,
Ja moins pourtant ne vous en eslevez;
Ce ne sera feu qui brusle ou defface,
Mais bien faira sa divine estincelle
Comme Phenix revivre et vous et elle.


TRANSLAT D'UN SONNET YTALIEN
Después de la muerte de Francisco I, ocurrida en marzo de 1547.

Nyer ne puis, Roy François, nullement,
Que je ne sente encores quelque flamme
D'amour au cueur qui peu à peu l'entame
Pour le submectre à elle entierement.
Mays estant plain d'un desir seullement,
C'est de vous suyvre et du corps et de l'ame,
Je luy resiste et faiz en sorte que ame
N'a sur mon cueur entier commandement.
Ce neantmoins les travaulx anciens
Craindre me font que fortune nuysante
Ne me remecte aux amoureux lyens.
Se elle le fait, soit du moins l'amour telle,
Que de servir au monde je me vente
Le Roy plus grant et la dame plus belle.


Ahora veamos el soneto irregular cuya fórmula es ABABBCCDDEEFEF, aunque muchos estudiosos no lo consideran un soneto en absoluto.


SONNET IV
[1556?]

Non feray, je n’en feray rien;
Je ne veux point que l’on me touche!
Laissez mon honneur, il est bien"
Disoit une garse farouche
A un qui dressoit l’escarmouche
Tout droit sur le bord du fosse.
"C’est bien rudement repoussé"
Ce luy dit-il, "escoutez moy.
Qu’avez-vous? Que craignez-vous? Quoy?
Que l’on vous amoindrisse et oste
L’honneur de dessous vostre cotte?
C’est bien de quoy se tormenter;
Allez, vous n’estes qu’une sotte,
Je le veux croistre et augmenter."



CLÉMENT MAROT
(1496–1544)

ABBAABBACCDEED
ABBAABBACCDCCD
ABBAACCADDEFEF


Creador de la fórmula considerada como soneto regular francés (ABBAABBACCDEED), aunque no lo llamara propiamente soneto sino «Épigramme».

ÉPIGRAMME CXLIV
[1529]

Pour le May planté par les Imprimeurs de Lyon
devant le logis du seigneur Trivulse

Au Ciel n'y a ne Planette ne Signe 
Qui si a point sceust gouverner l'Année 
Comme est Lyon, la Cité, gouvernée 
Par toy, Trivulse, homme cler et insigne.
Cela disons pour ta Vertu condigne 
Et pour la joye entre nous demenee, 
Dont tu nous a la Liberté donnée,
La Liberté des tresors le plus digne.
Heureux Vieillard: les gros Tabours tonnans, 
Le May planté et les Fifres sonnans 
En vont louant toy et ta noble Race.
Or pense donc que sont noz voulentez, 
Veu qu'il n'est rien, jusque aux Arbres plantez, 
Qui ne t'en loue et ne t'en rende grace.


ÉPIGRAMME CLXXXVI
À Madame de Ferrare
[1536]

Me souvenant de tes grâces divines,
Suis en douleur, princesse, à ton absence:
Et si languy quant suis en ta presence,
Voyant ce lys au milieu des espines.
O la doulceur des doulceurs feminines!
O cueur sans fiel! Ô race d'excellence!
O dur mary remply de violence,
Qui s'endurcist pres des choses benignes.
Si seras tu de la main soustenue
De l'Eternel; comme chere tenue,
Et tes nuysans auront honte, et reproche.
Courage, doncq: en l'air je voy la nue
Qui çà, et là s'escarte, et diminue,
Pour faire place au beau temps, qui s'approche.


Estudiosos como Léon Séché y Georges Lote consideran a Marot creador también del segundo soneto regular francés, cuya fórmula se atribuye a Jacques Pelletier du Mans.
Basan dicha consideración en el soneto póstumo «Retirez–vous, bestiaulx eshontez» publicado en 1545 y cuyos tercetos finales se corresponden con la fórmula de Pelletier; sin embargo, aparte de ser único, es un soneto irregular que desarrolla el siguiente esquema rítmico: ABBAACCADDEFEF.


RETIREZ–VOUS, BESTIAULX ESHONTEZ

Retirez-vous, bestiaulx eshontez,
Qui pour la faim de l'appétit des bestes, 
Et non d'amour, entreprenez vos questes,
Retirez-vous, par l'aveugle domptez.
Mais, vous, humains desquelz les vouluntez
Tendre on ne voit qu'à la fin bienheureuse,
Lisez, lisez en ceste oeuvre amoureuse,
Pour mieulx conpnoistre et beautez et bontez.
Puis, congnoissans ce qui vous en deftault,
Vous sentirez vous eslever en hault,
Par un amour à voiler tant adroict,
Ayant laissé en bas la passion,
Qu'il vous mettra justement à l'endroict
De l'unité, pour délectation.



JACQUES PELLETIER DU MANS
(1517–1582)

Œuvres Poétiques_1547

ABBAABBACCDEDE
ABBAABBACDCDEE 
ABBAABBACDEDCE


A este poeta le cabe el honor de haber creado en 1547 la segunda forma del soneto regular francés (ABBAABBACCDEDE).

Amour pour faire une veng'ance appoint, 
Et en un jour mille offenses me rendre, 
Reprint son arc, comme un qui fait attendre 
D'aguet pour nuire, et l'endroit et le point. 
Ma force au cueur s'estoit rettraitte, empoint 
De se povoir la et es yeux défendre, 
Quand vint la bas le coup mortel descendre. 
On rebouschoit tout dard qui les cueurs point. 
Pourtant troublée en soy de prime face, 
Oncques n'eut tant de vigueur ny d'espace, 
Qu'au besoing peust des armes se saisir: 
Ou au haut tertre et fâcheux me retraire 
Hors de l'ennuy, dont aujourd'huy désir 
J'ay de m'aider et m'avient le contraire. 


También se le atribuye la creación de la fórmula ABBAABBACDCDEE (Leon Séché, Clément Jugé, Georges Lote)


QUI D'UN POËTE ENTEND SUIVRE LA TRACE

Qui d'un poëte entend suivre la trace 
En traduisant, et proprement rimer, 
Ainsi qu'il faut la diction limer, 
Et du françois garder la bonne grace, 
Par un moyen luy conviendra qu'il face 
Egale au vif la peinture estimer 
L'art en tous pointz la Nature exprimer 
Et d'un corps naistre un corps de mesme face:
Mais par sus tout met son honneur en gage, 
Et de grand' peine emporte peu d'estime 
Qui fait parler Petrarque autre langage, 
Le translatant en vers rime pour rime:
Que pleust aux Dieux et Muses consentir 
Qu'il en vinst un qui me peust dementir.


SONNET LVI
Douze Sonnetz de Petrarque

Ces yeux tant beauz, dont fu navré, en sorte
Que de ma playe eux-mesmes seroient tente, 
Non vertu d'herbe, ou art qu'enchanteur tente, 
Ou d'outre mer quelque pierre qui sorte, 
M'ont d'autre amour tellement clos la porte, 
Qu'un doux penser seul mon ame contente:
Et si la langue a le suivre a entente, 
Sa guide bien; non elle blasme en porte.
Sont ces beaux yeux par qui les entreprises
De mon Seigneur victorieuses sont
En tous endroiz, mais plus sus mon costé:
Sont ce beauz yeux, qui tousjours leur place ont
Dedens mon cueur avec flames esprises, 
Doncq' parler d'eux ne fu oncq' desgousté.



PONTUS DE TYARD 
(1521–1605)

Les erreurs amoureuses_1549

Livre Premier
ABBAABBACDACDA   

Livre Second
ABBAABBACCDDCD
ABBABAABCCDEED   
ABBAABBACCBDDB
ABBAABBAAACDDC   



SONNET XVIII
[Livre Premier]

Le ferme dueil prenant en mon coeur vie
Fut engendré par l’amoureuse flame
Et se nourrit des souspirs de mon ame,
Laquelle s’est à toy toute asservie.
La grande ardeur d’amour, qui me convie
A te servir et qui mon coeur enflame,
La jouissance incessamment reclame
Par le souhait de desireuse envie.
Mais ce souhait, lequel mon bien desire,
N’est plustot né que crainte vehemente
M’ha jà du tout l’esperance ravie.
En desirant je brule et puis souspire,
N’esperant rien, et souspirant j’augmente
Le ferme dueil prenant en mon coeur vie.


SONNET V
[Livre Second]

Quand de beauté je vey la perle ornée
De mainte perle unie, orientale,
Pour contre-lustre en portion egale,
Mignonnement au jayet cordonnée:
O couleur blanche, ennemie fatale
Du noir, couleur à fermeté donnée,
Sois pour ce coup (ce di-je) blasonnée,
Pour liberté, & non pour foy loyalle.
Comme aisément tu reçois toute forme
D'autre couleur, tout ainsi se transforme
Madame libre en toute affection.
Comme le noir, est ferme en sa teinture,
Aussi en moy eternellement dure
La trop cruelle & triste passion.


SONNET XII
[Livre Second]

De quelle Idée ay-je peu retirer,
Le haut dessein de ma conception?
Comme s'est peu toute perfection,
En un pourtrait si vivement tirer? 
Comme peux tu, beauté, me martirer?
Et esmouvoir si forte affection?
Mais comme puis-je, estrange passion,
De ta froideur si grand feu attirer? 
Ah, vain Amour, qu'oses tu espérer?
Pourray-je assez chaudement souspirer,
Pour faire ardoir cette marbrine image? 
Ainsi perdoit, et souspirs, et parolle,
Pigmalion faisant à son Idole
Trop vainement (le misérable) hommage.


En 1551, en el libro “Replique de Guillaume des Autelz aux furieuses defenses de Louis Meigret. Avec la Suite du Repos de l’Autheur” figura  un soneto suyo con la estructura: ABABBABACDEDCE

Pontus de Tyard respond à l’auteur son cousin

Si ta Dame est, voulant le ciel, rebelle,
Pourquoy fais tu d'elle la doleance,
Non de l'aspect de l’estoille cruelle,
Qui presidoit au ciel à ta naissance?
Et si tu as le bien de jouissance,
Pourquoy dis tu graces d'Amour ou d'elle,
Non de la douce & heureuse influence
Laquelle ainsi à tout bonheur t'appelle?
Oh comme! Estrange est ta condition.
Tu n'oserois (si tu es raisonnable)
De la rigueur de ta Dame te plaindre.
Ny mercier sa grace favorable,
Puisque le Ciel la tienne affection
Au mouvement de son cours veult contraindre.



VASQUIN PHILIEUL DE CARPENTRAS 
(1522–1582)

En 1548 publica, bajo el título de «Laure d’Avignon», la primera traducción en versos del “Canzoniere” de Petrarca. Con esta obra crea e introduce en la poesía gala los tercetos CCD–DEE y CDD–CCD. 

ABABABABCCDEED  
ABABACACDEDFEF
ABABBABACCDEED
ABABBCBCDEDEFF    
ABBAABABCDCDEE
ABBAABBACCDCDC
ABBAABBACCDDEE    
ABBAABBACDCCDC 
ABBAABBACDDCCD
ABBAABBACDEEDC  
ABBAACCADDEFFE



SONETO CXXXII

Si au principe est la fin respondante, 
Ia quatorze ans ne fais que souspirer: 
Ny haure ou uent y ha, qui m'en exempte, 
Si fortie sens mon grand feu empirer. 
Amour, qui onc d'ardeur ne se contente, 
Soubs qui iamais ie n'ay peu respirer, 
M'ha a moitié descreu, tant me tormente, 
Par seul desir d'a ces yeux me mirer. 
Ainsi ie vais faillant en telle guise, 
Qu'homme vivant, que moy, ne s'en avise, 
Et qui mon coeur par son regard destruit. 
Plus ne se peut dans moy l'ame tourner, 
Ne scay combien elle y doit seiourner: 
Mais mort s'approche, & la vie s'en fuit.


SONETO XXI

Ia mille fois, doulce mienne guerriere,
Pour auoir paix, i'ay osé hazarder
De vous offrir mon cueur: mais l’ame fiere
En si bas lieu ne daigne regarder.
Si autre dame en luy uouloit fonder
Quelque esperance, en uain prendroit esmoy:
Plus, quant à moy, ie ne le ueux garder,
Car ce qu'à uous est fascheux, l'est à moy.
Si donc de tous est ainsi dechassé,
Et si d'exil ne trouue en uous secours,
(Ne seul peult estre, & tout autre ha laissé)
Il pourroit bien perdre son propre cours:
Ce que seroit un trop grand peché nostre,
Et d'autant plus de uous, ueu qu'il est uostre.


SONNET LXXXI

Amour m’a mis comme un but à sa darde,
Et cire au feu, neige au soleil roué,
Au vent nuée, et suis tout enroué
Criant merci, Dame, et n’y prenez garde.
Du coup mortel de vos yeux faut que j’arde,
Et tout mon temps jusqu’ici j’ai joué,
Vous en riez, qui êtes le loué
Vent, feu, soleil dont tel on me regarde.
Le désir feu, un soleil les regards,
Et vos yeux sont à mon avis les dards,
Par qui amour m’éblouit, brûle et pique.
Le beau parler, et le chant angélique,
Les doux esprits, qui ma force ont ravie,
Ce sont les vents, devant qui fuit ma vie.


En 1555 esta obra pasaría a integrar una versión más completa del “Canzoniere” bajo el título de “Toutes les Euvres vulgaires de Françoys Petrarque” y que, dividida en cuatro libros, sólo presenta sonetos en los tres primeros.


ABABBCBCDDEFFE
ABABBCBCDEDDED     
ABBAABBACCDDCC
ABBAACACDDEDED
ABBAACACDDEFFE     
ABBAACACDEDEDE

AABBCCBBDEEDED
ABABABABCDCDEE
ABBAABABCDCDAA    
ABBAACCADEDEDE
ABBAACCADEDEFF
ABBAACCADEEDED
ABBABCBCDEDEFF
ABBACDDCEFEFGG
ABBACDDCEFFEGG 


SONETO XXV
Libro II

Ce Rossignol, qui plaint si doulcement 
Ses fils, posible, ou sa chere compagne, 
Et qui remplit du grand gemissement 
D'un chant piteux le ciel & la compagne, 
Toute la nuict semble qu'il m'accompagne, 
Me ramentant mon tres malheureux sort. 
Quinne cuidois (dont en pleurs ie me baigne) 
Qae peust regner sur Deésses la mort.  
O quest aisé de tromper qui s'asseure! 
Ces deux beaux yeux plus clers que le Soleil, 
Oui eut cuidé devenir terre pure?
Or vois ie bien que ma fiere aventure 
Veut que i apreigne avec dueil non pareil, 
Cominent ça bas n'y ha chose qui dure.


SONETO LV
Libro II

L'air, & l'odeur, le refrigere & l'ombre 
Du doux Laurier: & sa face excellente, 
Port & repos de ma vie doulente, 
Celle ha osté qui tout nous desencombre. 
Comme Phebus quand sa feur luy faict ombre 
Perdu nous semble, ainsi me font Amours 
Pour ma clarté perdue telle encombre, 
Que contre mort ie quiers a Mort secours. 
O belle Dame, un assez bref sommeil 
To as dormy, or es en ton resueil 
Au pres de Dieu avec ioye eternelle. 
Et si mes vers ont icy quelque pris,
Consacrer veux entre tous bons esprits
De ton bon bruit la memoire immortelle.


SONETO XXVII
Libro III

Sur toute chose en ce monde prisée
Apres la vie honnesteté est chere.
Mais tournez l'ordre. Il n'est chose si clere,
Que sans honneur ne soit tres mesprisée.
Si quelque Dame en est mal aduisée:
Dame n'est plus, ne vive s'il appert.
Car sa vie est plus que par mort brisée
Du bruit issu de l'honneur qu'elle pert.
Don esbahy ne fus onc de Lucresse,
S'il n'est d'autant que fer y vint user,
Veu qu'a mourir suffisoit sa detresse.
Tout Philosophe en vienne deviser,
Que toute vie autre sera baissée,
Et ceste seule on verra exhaulsée.



JOACHIM DU BELLAY
(1522–1560)

L’Olive_1549

ABBAABBABABABA
ABBAABBACDCEED


SONNET CX

Dieu, qui changeant avec’ obscure mort
Ta bienheureuse, et immortelle vie,
Fus aux pecheurs prodigue de ta vie,
Pour les tirer de l’eternelle mort:
Celle pitié coupable de ta mort
Guide les paz de ma facheuse vie,
Tant, que par toy à plus joyeuse vie
Je soy’ conduit du travail de la mort.
N’avise point, ô Seigneur! Que ma vie
Se soit noyée aux ondes de la mort,
Qui me distrait d’une si doulce vie.
Oste la palme à cet’ injuste mort,
Qui jà s’en va superbe de ma vie,
Et morte soit tousjours pour moy la mort.


SONNET XX

Puis que les cieux m’avoient predestiné
A vous aymer, digne object de celuy,
Par qui Achille est encor’aujourdhuy
Contre les Grecz pour s’amye obstiné,
Pourquoy aussi n’avoient-ilz ordonné
Renaitre en moy l’ame, et l’esprit de luy?
Par maintz beaux vers tesmoings de mon ennuy
Je leur rendroy’, ce qu’ilz vous ont donné.
Helas Nature, au moins puis que les cieux
M’ont denié leurs liberalitez,
Tu me devois cent langues, et cent yeux,
Pour admirer, et louer cete la,
Dont le renom (pour cent graces, qu’elle a)
Merite bien cent immortalitez.



PIERRE DE RONSARD 
(1524–1585)

Les Amours de Cassandre_1552
Les Amours de Marie_1556
Sonnets pour Helene_1578
Sonetos Remanentes


ABBAABBABBCDDC  
ABBAABBACCDBBD    

ABABBAABCCDEED    
ABABBABACDCDEE

ABBAABBACACAAC   

ABBAABBACACACA
ABBAABBACCBDBD
ABBAABBACCDBDB



SONNET (LXIII)

Qui voudra voir dedans une jeunesse
La beauté jointe avec la chasteté,
L’humble douceur, la grave majesté,
Toutes vertus, et toute gentillesse:
Qui voudra voir les yeux d’une Déesse,
Et de nos ans la seule nouveauté,
Et cette Dame oeillade la beauté,
Que le vulgaire appelle ma maîtresse.
Il apprendra comme Amour rit et mord,
Comme il guérit, comme il donne la mort,
Puis il dira, quelle étrange nouvelle!
Du ciel la terre empruntait sa beauté,
La terre au ciel a maintenant ôtée,
La beauté même, ayant chose si belle.


MARIE, À TOUS LES COUPS VOUS ME VENEZ REPRENDRE 

Marie, à tous les coups vous me venez reprendre 
Que je suis trop leger, et me dites tousjours. 
Quand je vous veus baiser que j'aille à ma Cassandre, 
Et tousjours m'apellez inconstant en amours. 
Je le veus estre aussi, les hommes sont bien lours 
Qui n'osent en cent lieux neuve amour entreprendre. 
Cétui-là qui ne veut qu'à une seule entendre, 
N'est pas digne qu'Amour lui face de bons tours. 
Celui qui n'ose faire une amitié nouvelle, 
A faute de courage, ou faute de cervelle, 
Se defiant de soi, qui ne peut avoir mieus. 
Les hommes maladis, ou mattés de vieillesse, 
Doivent estre constans: mais sotte est la jeunesse 
Qui n'est point eveillée, et qui n'aime en cent lieus. 


SONNET XIX
[Le Premier Livre Des Sonnets Pour Hélène] 

Je fuy les pas frayez du meschant populaire,
Et les villes où sont les peuples amassez:
Les rochers, les forests desja sçavent assez
Quelle trampe a ma vie estrange et solitaire.
Si ne suis-je si seul, qu'Amour mon secretaire
N'accompagne mes pieds debiles et cassez:
Qu'il ne conte mes maux et presens et passez
A ceste voix sans corps, qui rien ne sçauroit taire.
Souvent plein de discours, pour flatter mon esmoy,
Je m'arreste, et je dy: Se pourroit-il bien faire
Qu'elle pensast, parlast, ou se souvint de moy?
Qu'à sa pitié mon mal commençast à desplaire?
Encor que je me trompe, abusé du contraire,
Pour me faire plaisir, Helene, je le croy.


Años más tarde, Ronsard intentaría cambiar la fórmula estructural del soneto proponiendo el esquema ABABCDDCABCABC.



JEAN–ANTOINE DE BAÏF
(1532–1589)

Les Amours de Méline_1552
Les Amours de Francine_1555
Amours Diverses_1572


ABBAABBACDDECE     

ABABABABCDCEDE
ABABABABCDECDE
ABABCDCDEFEGFG
ABBAABBABBCDCD     
ABBAABBACACDAD        
ABBAABBACDCBDB
ABBAACCADDAEEA
ABBAACCADEDAEA
ABBAACCADEDFEF
ABBAACCADEFDEF
ABBACBBCDEDEDE
ABBACDDCEEFGGF
ABBACDDCEFEBFB
ABBACDDCEFEDFD
ABBACDDCEFEGFG    
ABBACDDCEFGEFG     

ABABABABCDCDCD    
ABBAABBACBCBCB
ABBAABBACBCDBD     
ABBACBBCDDEFFE
ABBACDDCEFEFEF     



AMOURS DE MÉLINE

En vain sans gré, cent mille et mille pas 
J'auray faitz donq'? Or donqnes, de la peine 
Et de l'ennuy, dont mon amour est pleine, 
Je recevray pour guerdon le trépas? 
Contre le vent tendu n'auray-je pas 
Un clair filet, d'une entreprise vaine? 
N'auray-je pas de grain semé l'arène, 
Perdant en vain la sueur de mes braz? 
O cuœur brutal, desoubz beaulté divine! 
O cuœur félon! Cuœur, non humaine cher, 
Ainçoys caillou filz d'un âpre rocher! 
O vous mes yeulx, pleuvez desus ce cuœur: 
Si par le temps l'onde les roches mine, 
Minez minez le roc de sa rigueur. 


AMOURS DE FRANCINE

Si je pouvoy vous deceler ma peine,  
Vous lacheriez bien tost vostre rigueur;
Vrayment bien tost vous me rendriez mon coeur,
Ou pour le moins luy series plus humaine.
De tant d’ennuis ma triste vie est pleine,
Pour vous aymer, que d’un an la longueur
Me defaudroit à conter ma langueur,
Eusse-je encor de tous les vents l’aleine.
Grand est mon mal, grande est vostre rigueur,
Mais bien plus grande est ma chaude langueur.
O que je pusse à un vous la décrire!
Je suis certain que mon mal moliroit
De sa rigueur la rigueur de vostre ire
Qui tel qu’il est vous le découvriroit.


Francine,  j’ay juré d’estre à jamais à toy:  
J’ay juré par mes yeux, par mon coeur, par mon ame,
Qui languissent pour toy dans l’amoureuse flâme,
Et par tous les ennuis qu’ils soufrent de leur foy.
Mais tu t’en ris, mauvaise, et le deuil j’en reçoy;
Mauvaise, tu t’en ris, te disant ester dame
De tout ce qu’ay juré, et tu me donnes blâme
D’avoir en vain juré ce qui n’est pas à moy.
Au moins, Francine, au moins, si miens je ne puis dire
Ny mon coeur, ny mes yeux, ny mon ame, ny moy,
Puissé-je dire mien mon amoureux martire!
Au moins mes pleurs soyent miens, mes soupirs, ma tristesse,
Pour te jurer par eux, d’inviolable foy,
Jamais ne te changer pour une autre maistresse.


En plus brave chanson si je n’écry, Boitie,  
Les batailles des rois éclatantes d’acier;
Si à vanter leurs faits je ne suis le premier;
Si je n’enfle mon stile en grave tragédie;
Qu’on ne pensé pourtant que tout ce que je chante
Se doive prendre à fable. Il y a du profit
A cognoistre l’erreur qu’un miserable fit,
Afin de la fuïr si elle se presante.
Servent donc mes écris, à qui se gardera
De tomber dans le piége, où je me laissay prendre.
Possible un plus heureux un jour s’en aidera,
Remonstrant à sa dame: O cruelle beauté
(Dira-t-il) voudrois-tu si fiere à moy te rendre
Pour gagner un renom de si grand’ cruauté?


Nul je ne veu blamer d’écrire à sa façon,  
Ou soit que trop enflé le langoureux il feigne,
Ou soit que son amour froidement il depeigne;
Nul, ma Francine, aussi ne blame ma chanson.
Si je chantoy pour eux ils me pourroient blamer;
Mais si je leur deplays, il me plaist leur deplaire,
Francine, en te plaisant. Qu’ay-je aux autres afaire?
J’ay tout ce que je veu si tu veux m’estimer.
Ce que j’écry te plaist, tu aymes bien mon stile:
Aussi j’écry pour toy, c’est pour toy que je chante.
Un autre au gré de tous se péne de chanter:
Moy qui brusle du feu de ton amour gentile,
D’avoir touché le but de mes vers je me vante,
Si mon chant amoureux est pour te contanter.

 

AMOURS DIVERSES

La belle estoile amenant la lumiere  
Chassoit desja les autres feux des cieux,
Et du soleil la jaune avancouriere
Portoit le jour aux hommes et aux dieux.
Quand le someil de son aisle legiere
S’en vint flatter mes temples et mes yeux,
Qui respandoyent de pleurs une riviere,
Gros de travail et regret ennuyeux.
Voicy, maistresse, un songe decevable
Qui te jetta dans mes bras, et soudain
Je te cuidoye embrasser amiable,
Quand je sent de ton fantosme vain
Par ma poitrine una image effroiable
D’un froid serpent se glisser en mon sein.


O le cruel enfant d’une mere benine,   
Douce mere d’un fils remply de mauvaistié!
O amour, ô Venus, ô si quelque pitié
Des hommes peut toucher la nature divine,
Ne me guerroyez plus. Las! Meline et Francine
Durant mes ans meilleurs m’ont assez guerroyé:
L’ âge qu’à vous servir j’ay si bien employé
D’avoir quelque repos desormais seroit digne.
Que veux-tu faire, Amour, de cet arc et ces fleches?
En mille et mille endroits mon coeur est entamé:
Le veux-tu battre encor dedans ses vieilles breches?
Mais avec ton flambeau que penses-tu pretendre,
O Venus, sur mon coeur en poudre consumé,
Si tu n’as entrepris de brusler une cendre?


Puis que nostre âge est de si peu de terme  
Qu’il se finist souvent quand il commence,
Puis que l’Amour est de telle inconstance
Qu’il est moins seur quand il semble plus ferme;
Que voulez-vous plus longuement attendre
A recevoir le bien qui se presente
De nostre foy desja si vehemente
Qu’elle ne peut d’avantage s’estendre?
Or caresson gayement l’avanture
Qui s’offre à nous d’une amour assurée:
Qui peut jouïr, il est fol s’il endure.
L’occasion est de peu de durée:
Qui ne l’empoigne et qui ne s’en assure,
Elle est apres (mais en vain) desirée.



MACLOU DE LA HAYE 
(¿–?)

Les Oeuvres_1553

ABBAABBACCADAD

Ciel descouvert luisamment spacieux,
Ou Amour tient l'honneur de son Empire,
Sous lequel fault que je pleure & souspire,
De ses beautez ardamment envieux.
Lustre serain à chacun gracieux
Sinon à moy, tout contraire ou l'aspire
Et qui ma mort publiquement conspire
Se renfrongnant en presage odieux.
Esclarcy toy à mon triste courage
Chassant l'effort d'un tourbillion venteux
Esbranle tant ma hautaine Esperance
Long temps y à que sous espoir douteux
L'attens le iour de certain asseurance.



LOYS LE CARON (a) CHARONDAS
(1534–1613)

Amours de Claire_1554

ABBAABBABBACCA     
ABBAABBACCADDA    
ABBAABBACDDCDC    

Gentil esprit le plus mignon des cieux
Excite en moy une flame divine,
Pour affiner ma pudique poitrine
Qu’enrouille un dueil de penser otieux.
C’est c’est amour, qui rend victorieux
L’esprit du corps & à toy m’avoisine
Pour deplayer cette cruelle espine
Du beau rosier de tes celestas yeux.
Mignon vergier de chasteté rosine
Ne laisse point ta blandice Cyprine
Affriander le volage amoureux.
O moy trop sot! Qui veux conseiller ore
Cette vertu qu’en mon ame i’adore!
Si chaste honneur s’envole au ciel heureux.


En vain celluy feint Amour en son coeur,
Qui se flattant d’une plainte fardée
Chante a plaisir sa peine mignardée,
Pour estre veu de son tourment vainqueur.
En vain celluy plaisante sa langueur,
Qui faulsement plaint avoir hazardée
Sa liberte soubz la grace dardée
Des clairs flambeaux allumez de rigueur.
En vain celluy oisivement s’affolle,
Qui follement eperd son ame folle.
En se plaignant on constraint la douleur.
De s’avancer pour en aigrir sa force.
Mais l’aspre ardeur, qui à chanter me force
Ta grand’ clairte, reluit en ma couleur.


Par l’alambic des Cypriennes roses
Venus une eau de parfum doucereux
Feit distiller, por les coeurs chaleureux
Desenflammer par les odeurs encloses.
Ma Claire y court sans mignarder ses pauses.
J’erre suivant un sentier malheureux:
Car je craingnois que son lustre amoureux
N’emblast le just par ses graces decloses.
Venus voiant si luisante clairté
Laissa ses eaux & senteurs a ma Dame,
Amour survint pour venger si grand blame,
Lequel priay render ma liberté:
Mais il jetta le marc dessus mon ame,
Me consumant des feuz de sa fierté.



LOUÏSE LABÉ
(1525–1566)

Œuvres_1555

ABBAABBACDCCDD


SONNET VIII 

Je vis, je meurs: je me brûle et me noie,
J'ai chaud extrême en endurant froidure;
La vie m'est et trop molle et trop dure,
J'ai grands ennuis entremélés de joie.
Tout en un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure,
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être en haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur. 



JEAN VAUQUELIN DE LA FRESNAYE 
(1536-1607)

Les Foresteries_1555

ABBAABBACCCCDD

Ce que le Tygre fait aus chans Hircaniens
Du troupeau imbecile, ou prés des grosses eaus
Du tumultueus Gange: ou le loup des aigneaus
Au mont qui tient Tiphée, enclos sous ses liens:
Amour fait d 'un amant. Mille chiens Bactriens
Du cors mort presenté ne font tant de morceaus
Que le cruel Amour et tous ses Amoureaus
Menu hachent ses flancs de croes Cytheriens.
Ni Vesuue ou Sicile ou Troïe ardirent tant
Et ni de Mongibel l'ardant feu souflétant
Tant n'embraise Encelade en vain cent bras levant
Qu'une froide beauté l 'amoureus va brûlant:
Et viure i est constraint sans être délié,
Ainsi que le bouc broute ou c'est qu'on l'a lié.



OLIVIER DE MAGNY
(1529-1561) 

Les Souspirs_1557

ABABABABCCDEDE
ABBAABBACCDAAD


SONNET L

Lorsque le cler Soleil faisant place à la nuict,
Plonge son char doré dedans la mer profonde,
Et lorsque par le ciel ses chevaulx il conduit,
De ses raíz enflammés donnant lumiere au monde:
Bref de jour et de nuict le malheur qui me suit
Dessus moy miserable, immobile se fonde:
Et si rien me soulage, et si rien ne me nuyt,
C'est le seul passetemps de la Muse faconde.
Les seuls vers de la Muse allegent mes ennuys,
Et seuls me Font passer et les jours et les nuicts,
Quelque peu console parmy tant de martire.
Mais quoi! Par mots couvers j'exprime mon malheur,
Et celuy qu'on tourmente et qui ne l'ose dire,
Rengrege en se taisant soy-mesmes sa douleur.


SONNET CXXVI

A peine encor, du vulgaire écarté,
Je m'acostoy de Virgille et d'Horace,
Quand la beaulté d'une quatriesme Grace
Emprissonna ma franche liberté.
A peine encor j'entrevy la clarté
Qui luyt, si douce, en sa divine face,
Quand enflammé d'une nouvelle audace,
Son nom par moy feut au ciel emporté.
Ores à peine ay-je peu recevoir,
Mon cher Vaillac, le bien de te reveoir,
Que ce livret humblement je te donne,
En attendant qu'autrement agité
Dessus l'autel de l'immortalité,
Les hymnes saincts de ta gloire je sonne.



ÉTIENNE JODELLE
(1532–1573)

Contre les Ministres de la Nouvelle Opinion_1567

ABBAABBACCDCEE   


SONNET XXXV

L’eternité que Christ en l’Eglise a promise,
Qui tant d’ans a regné sans que fussent ceux ci:
Les clefs & le pouvoir que Sainct Pierre eust ici,
Quíls confessent eux-mesme eternel à l’Eglise:
L’esprit y demeurant pour iamais, qui maistrise,
Qui inspire & conduit tous vrais pasteurs ainsi
Quíl a fait les premiers: les saincts peres aussi
Par que les saincts escrits ont authorité prise:
Ce que mesme Luther a creu du sacrament:
Les discors qu’ils en ont: les faux Anabaptistes,
Les Parfaits, les Dormants, Frerots, & Dauitistes,
Qui Font engrendrez d’eux, est-ce par argument
Pour monstrer quíls n’ont pas l’esprit ny sa doctrine,
Mais qu’en se ruinant ils cherchent sa ruine?




JEAN DORAT 
(1508–1588)

Sur la louange de la Paix_1570
Poemata_1586


ABBAABBACDDCDD    

ABBAABBAACCACC    
ABBAACCADDEDDE      


SONNET I

Celuy est sans parens, sans famille, sans loix,
(Dit Homere) lequel en son pais desire, 
Discord civil regner, un des discords le pire, 
Horrible à toutes gens, mesmement aux Gaulois. 
Les Gaulois ont senty n'agueres par trois fois, 
Que c'est que de troubler un pacificq' empire:
Mais voiant que le mal de jour en jour empire, 
Charles y a pourveu, le meilleur Roy des Rois. 
Meu de l'esprit de Dieu, qui le coeur du Roy tient 
En sa main enfermé, il a mis paix en France, 
Que les bons desiroient voians tant de soufrance. 
Louons donc ce bon Roy, qui son peuple maintient 
En bonne sauveté, aiant par sa prudence 
Changé discord civil en civille alliance.


A TRES-ILLUSTRES PRINCE ET PRINCESSE ESPOUSEZ

Heureux les Rois que Dieu tant favorise,
Qu'il les eslit pour sa France regir,
Tels qu'il luy plaist, de pere en fils choisir,
Tous tres-chrestiens et maintenans l'Eglise.
C'est pourquoy Dieu luy-mesme les baptise
Et sacre Roys: et ne laisse tarir
L'ampoulle encor', qui, pour ses Rois cherir,
A Sainct Remy par l'Ange fut transmise.
Et Vous heureux, en qui de Dieu est mise
Mesme faveur, comme du sang Royal,
Faisant des deux mariage loyal.
Sainct Remy mesme, à qui lors fut commise
La fiole saincte, en train Pontifical
Vient en son moys à vostre nuptial.


SUR LE NOM DE LA ROYNE

Riche fuz de beaulté qu'en toy mict la nature
Quant entre mille fleurs ung roy ta fleur cuillit
Pour anter à son lis qui en toy reflorit
En plusieurs aultres lys ayantz ta portraicture.
Riche fuz de tous biens en jeune nourriture,
Plus riche fuz apres ayant eu ce bonheur
D'estre Royne de France, où en telle grandeur
Tu te voys aujourdhuy sur toute creature.
Mais la vertu en qui gist le seul vray thresor
Plus pretieux que n'est aulcun argent ny or
Te faict encor plus riche estant en toy empraincte.
Puis que tant tu es riche et l'estre plus encor
Tu ne peux si n'es saincte, il faut que tu sois or
Comme porte ton nom De Riche Demy Saincte.




PHILIPPE DESPORTES
(1546–1606)

Les Amours de Diane_1573
Les Amours d’Hippolyte_1573
Diverses Amours_1573


ABABBABACCDEDE
ABBAABABCCDEDE
ABBAABABCCDEED     

ABABABBACCDEDE    
ABBAABABCCDADA    
ABBAABABCDCDCD

AABBAACCDDEFEF    
ABABBAABCCDEDE



Puis qu'on veut que l'image en mon coeur si bien peinte 
S'efface avec le tans contre ma volonté,
Je pren congé de vous, ô divine beauté!
Qui reteniez mon ame heureusement contrainte.
En moy toute autre ardeur desormais soit étainte,
Tout espoir, tout desir, toute felicité.
Arriere, ô faible Amour! qui fais place à la crainte;
Adieu flambeaux et traits, adieu captivité;
Adieu lut, compagnon de mes tristes pensées,
Adieu nuicts en discours comme un songe passées,
Desirs, soupirs, regards si gracieux et doux;
Douleurs, soucis, regrets, saisiront vostre place;
Car, puis que mon amour par la crainte s'efface,
O plaisirs! Pour jamais je pren congé de vous.


Venus cherche son fils, Venus toute en colere  
Cherche l'aveugle Amour par le monde égaré:
Mais ta recherche est vaine, ô dolente Cythere:
Car il s'est à la fin dans mon coeur retiré.
Que sera-ce de moy? Que me faudra-t-il faire?
Je me voy d'un des deux le courroux preparé:
Egalle obeissance à tous deux j'ay juré.
Le fils est dangereux, dangereuse est la mere.
Si je recele Amour, son feu brûle mon cueur:
Si je decele Amour, il est plein de rigueur,
Et trouvera pour moy quelque peine nouvelle.
Amour, demeure donc en mon coeur seurement:
Mais fay que ton ardeur ne soit pas si cruelle,
Et je te cacheray beaucoup plus aisément.


Si ceste grand'beauté tant douce en apparence  
Ne couvre, ô ma Deesse, un coeur de Diamant,
Vous plaindrés mes douleurs, quand vous verrez comment
Amour m'a travaillé loin de vostre presence.
Mais las! Je m'entretiens d'une vaine esperance:
Car si mon foible esprit dure assez longuement
Pour vous revoir, Madame, une seule influence
Du Soleil de vos yeux guarira mon tourment.
Mon ame ores tenuë en langueur inhumaine,
Oubliant sa douleur paroistra toute saine,
Et les rais de vos yeux mes pleurs iront seichant.
Voyla comme un bel oeil de deux sortes m'offanse,
Me blessant à la mort, et puis en m'empeschant
Que je ne puis monstrer ma mortelle souffrance.


DU PORTRAIT DU SIEUR DE VANDES

Amour, advisant ce portrait,    
Tout soudain le perça d’un trait,
Pour se vanger des flames saintes,
Qui les seines avoient estaintes.
“Tu as mon ouvrage deffait,
Dit le peintre; Amour, qu’as-tu fait,
Laissant le vif, et ta sagette
Perdant sur l’image muette?”
Amour respond: “Je n’y puis rien;
Rien n’y sert mon arc, mon lien;
Si je l’approche, il faut me rendre.
Pour son art, ses vers et sa voix,
Au lieu d’un que je pense prendre,
Je deviens esclave de trois”.




JEAN DE BOYSSIÈRES
(1555–C. 1584)

Les premières œuvres amoureuses_1578

ABBABABACCDEED


SONNET XI

Maistresse que ie t’ayme, helas que ie me sens
A tes yeux obligé, pour m’avoir fait la grace
De te conter mon mal, ie salue la place
Sur laquelle ravy tu retenois mes sens.
Ie mercie le iour, le soir, l’heure, la trace,
Qui m’y ont admené, pour odorer l’encens,
Embasmé de ton sein quand aupres de ta face
L’entendois de ta voix les bienheureux accens.
Pour m’obliger plus fort, n’oubliant cest usage,
Endure que ie puisse avoir cest advantage,
Sur les autres, que quand ie voudray contempler
Le soleil de tes yeux, baiser ta belle bouche,
Serrer ta blanche main, tu ne me fois farrouche,
Et que mes bras aux tiens, se puissent accoupler.





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OBRAS CONSULTADAS:


EVERETT WARD OLMSTED, The Sonnet in French Literature and The Development of the French Sonnet Form, 1897.

HUGUES VAGANAY, Le Sonnet en Italie et en France au XVI Siècle, 1902.

MAX JASINSKI, Histoire du Sonnet en France, 1903.

LÉON SÉCHÉ, Oeuvres Poétiques de Jacques Peletier du Mans, 1904.

GEORGES LOTE, Chapitre I. Le sonnet (Histoire du vers français, Tomo VI), 1991.



PARA TENER EN CUENTA:

1) En este trabajo cuando se indica que un poeta es creador de una fórmula determinada debe tenerse en cuenta que dicha consideración sólo cabe dentro de la historia poética de Francia que estamos tratando, lo que implica que dichas fórmulas posiblemente cuenten con un precedente italiano.

2) Las fórmulas que bajo cada autor se dejan no quiere decir que ese poeta restringiera su obra al uso de las mismas; por el contrario, lo que debe tenerse en cuenta es que dichas fórmulas (creadas o imitadas de la poesía italiana) no fueron usadas con anterioridad por otros autores franceses.
Por ejemplo:
Pontus de Tyard, además de los esquemas rítmicos que se consignan, utilizó en su obra “Les Erreurs Amoureuses” las fórmulas
ABBA-ABBA-CCD-EED
ABBA-ABBA-CCD-DEE
ABBA-ABBA-CDE-CDE
ABBA-ABBA-CDE-DCE
ABBA-ABBA-CCD-EDE
ABBA-ABBA-CDC-DCD, fórmulas utilizadas por los poetas que le precedieron antes de que publicara en 1549 su obra.